OL
issu du journal
Lucas Paqueta (OL) : l'île à la joie
Le milieu brésilien de l'OL est né sur une île sise dans la baie de Rio, où il a développé un caractère calme et serein. Il l'a quittée pour le football et porte aujourd'hui le nom de ce bout de terre, «Paqueta».

(A. Martin/L'Équipe)
Hugo Guillemet, à Lyon24 octobre 2020 à 00h00
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C'est un coin de paradis coupé du monde et surtout de l'agitation de Rio de Janeiro, un petit point microscopique au milieu de l'immense baie de Guanabara, un havre de paix sans voiture, cerclé d'une mer d'huile. L'île de Paqueta vit au rythme du ferry qui la relie à la mégalopole brésilienne : des Cariocas en congés débarquent, les glacières chargées de bières fraîches, dont ils profitent les pieds dans le sable et la tête ailleurs. Le soir, le bateau les ramène en ville reposés, revigorés. C'est là, dans cette absolue quiétude, qu'a grandi Lucas Tolentino Coelho de Lima.
Lucas Paqueta en bref
23 ans.
Club : Lyon.
Poste : milieu offensif.
2019 : en juillet, il remporte la Copa América avec le Brésil. Il joue 5 minutes lors de cette compétition, en quarts de finale, contre le Paraguay (0-0, 4-3 aux t.a.b.).
Lucas « Paqueta » a pour nom de footballeur celui de l'île de sa vie, il le porte fièrement sur les épaules, floqué au dos de ses maillots, et c'est d'ailleurs comme cela qu'il veut qu'on l'appelle, ainsi qu'il l'a demandé à tout le monde lors de sa signature à l'OL, fin septembre. « L'enfance de Lucas était paisible, résume Cristiane, sa mère. Il allait à l'école et, le reste du temps, il jouait au ballon sur la plage de Moreninha. »
Cette longue étendue de sable fin et de quelques herbes sauvages, à deux pas de la maison familiale, a vu les premières frappes, pieds nus, du petit crack à la patte gauche déjà magique. « C'est là que j'ai peaufiné ma technique, glisse le milieu lyonnais en détournant le regard, d'un sourire timide. C'était le début, c'était seulement du jeu, de la joie, avec mon frère et nos amis. »
Paqueta parle d'un débit lent et d'une voix posée. Les réponses sont courtes, il les ponctue en se tournant vers Isabelle Dias, l'interprète et accompagnatrice historique des Brésiliens à l'OL, comme pour trouver refuge auprès d'une personne de confiance face à un monde qu'il découvre.
Quand on vient d'une île de 3 000 habitants où il est de coutume de se dire bonjour lorsqu'on se croise dans la rue, et où l'on se déplace à pied, en bicyclette ou en charrette, il faut du temps pour s'adapter à la nouveauté, même à 23 ans. Lucas Paqueta a pourtant quitté l'île très jeune, dans sa neuvième année, puisque Flamengo, le plus grand club de Rio, l'avait repéré et parce que son talent balle au pied était déjà trop grand pour se circonscrire à deux kilomètres carrés.
«Je veux retrouver mon bon football. Mon football du Brésil. Mon foot est un foot heureux»
Lucas Paqueta
Avec Matheus, son aîné de deux ans, Lucas formait un imbattable duo, à Moreninha, et les enfants de passage, le soir venu, remontaient sur le bateau le nez dans leurs tongs : ils n'auraient que des défaites à raconter le lendemain à l'école. « Depuis tout petits, nous avons toujours été ensemble, et Lucas s'est toujours démarqué, la preuve est qu'il jouait avec moi alors qu'il n'avait même pas l'âge d'être inscrit au foot », se remémore Matheus, aujourd'hui professionnel à Tombense (D3 au Brésil). « Mon frère a toujours été mon principal compagnon de jeu, et j'ai toujours voulu avoir sa vitesse, son habileté, son talent, souffle Paqueta. On est deux joueurs différents donc on était complémentaires ; moi, je suis plus classique que lui, j'ai un football plus réfléchi. »
11
Lucas Paqueta compte 11 sélections avec le Brésil. Il a inscrit 2 buts avec la Seleçao. Vendredi, il a été appelé en sélection olympique, en compagnie du Lyonnais Bruno Guimaraes.
Réfléchi, mais avec quelques extravagances, aussi : le Lyonnais aime les petits ponts, les sombreros et les lobs. C'est d'ailleurs de cette manière, et de 35 mètres, qu'il a inscrit son premier but avec Flamengo, en février 2017, face à un gardien qui avait eu l'imprudence de trop s'avancer. Il a failli ouvrir son compteur à l'OL comme cela, dimanche dernier à Strasbourg (3-2), d'une louche délicieuse par-dessus Bingourou Kamara, avant que l'arbitre n'annule le but pour hors-jeu.
»
Mais ramener son football à sa seule esthétique serait réducteur. « Il a un sens de la passe et du jeu vers l'avant au-dessus de la moyenne, dit de lui Rudi Garcia, avec qui il échange beaucoup, en italien, depuis trois semaines. Ce qui est plaisant, c'est qu'il ne rechigne pas sur le travail défensif, et c'est très bien pour un entraîneur. » Le coach rhodanien l'a utilisé relayeur droit en Alsace, mais il loue sa polyvalence et compte aussi sur sa recrue au poste de meneur de jeu, ou bien comme faux ailier, par exemple. « Ma meilleure position est d'être sur le terrain, ironise le joueur. Derrière ou devant, ce n'est pas le plus important. Je veux surtout apporter de la joie dans le jeu de l'équipe, comme me l'a demandé Juninho. »
Il a grandi de 27 centimètres en trois ans
Paqueta avait perdu la sienne, à l'AC Milan, tout autant que sa place dans le onze, et c'est pour cela que le directeur sportif brésilien de l'OL a pu l'attirer, cet automne, contre 20 M€. L'ex-icône du stade Gerland était tombée sous le charme de ce meneur élégant, technique et décisif, il y a trois ans au Brésil. Il avait même proposé son nom à Lyon, sans suite à l'époque.
Et un an après, il était trop tard ; au sortir d'une superbe saison 2018 qui le consacra meilleur joueur du pays, Paqueta s'est envolé pour Milan encombré de deux fardeaux : l'étiquette de « nouveau Kaka » et un transfert record à 38,5 M€. Il ne marquera qu'un seul but pour les Rossoneri en 44 matches et environ 2 400 minutes de jeu.
« Il n'y a pas de revanche aujourd'hui, et je remercie même ce passage qui a pu être douloureux, assure le joueur. Ça fait partie de la vie. Maintenant, je veux retrouver mon bon football. Mon football du Brésil. Mon foot est un foot heureux. Et je sens la bonne énergie pour cela ici. »
Pour Paqueta, chaque épreuve est positive, et il en a traversé. Pour s'entraîner à Flamengo, enfant, il a sacrifié sa douce vie sur l'île, et son sommeil. « Il était courageux, résume sa mère. Il quittait la maison à 8 heures le matin et il prenait le dernier ferry, à minuit, pour rentrer. » « Mon grand-père, aujourd'hui décédé, m'accompagnait, et je faisais tous ces trajets avec beaucoup de bonheur, promet le joueur. J'arrivais chez moi à 1 heure du matin, mais c'est ma famille qui m'a donné cette force d'accomplir tout ça. »
Son père, Marcelo, formateur parachutiste, est moins présent à la maison mais il s'implique aussi beaucoup dans la carrière de ses fils et tient un rôle capital lorsque celle du cadet est freinée par un retard osseux : à 15 ans, il ne mesure que 1,53 m et ne fait plus le poids dans sa catégorie. « Nous l'avons emmené chez plusieurs endocrinologues dans l'espoir d'un résultat rapide, explique le paternel. Mais c'est son corps qui était comme cela. Alors nous avons fait confiance à Flamengo. » Le club carioca fait suivre à l'adolescent le Projeto Soma, un programme de renforcement physique et nutritionnel qui a fait ses preuves, par le passé, avec Zico et Bebeto. Paqueta grandit de 27 centimètres en trois ans.
Sa carrière chez les grands pouvait se lancer. En déclin en Italie, Paqueta a vu un signe du destin lorsque Lyon l'a contacté, lui dont l'épaule et le bras gauche sont tatoués d'un lion, d'une lionne et d'un lionceau. « Ce tatouage montre simplement Lucas, moi et notre fils Benicio, détaille Eduarda, son épouse. C'était une bonne coïncidence d'être appelé par un club dont le lion est l'emblème, une identification en plus, et c'est important pour Lucas. J'espère qu'il pourra être très heureux de jouer ici. » Paqueta n'attend que ça : retrouver à l'OL l'insouciance et la joie qui l'habitaient, enfant, sur le sable de Moreninha.
publié le 24 octobre 2020 à 00h00
l'Equipe
issu du journal
Lucas Paqueta (OL) : l'île à la joie
Le milieu brésilien de l'OL est né sur une île sise dans la baie de Rio, où il a développé un caractère calme et serein. Il l'a quittée pour le football et porte aujourd'hui le nom de ce bout de terre, «Paqueta».
(A. Martin/L'Équipe)
Hugo Guillemet, à Lyon24 octobre 2020 à 00h00
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C'est un coin de paradis coupé du monde et surtout de l'agitation de Rio de Janeiro, un petit point microscopique au milieu de l'immense baie de Guanabara, un havre de paix sans voiture, cerclé d'une mer d'huile. L'île de Paqueta vit au rythme du ferry qui la relie à la mégalopole brésilienne : des Cariocas en congés débarquent, les glacières chargées de bières fraîches, dont ils profitent les pieds dans le sable et la tête ailleurs. Le soir, le bateau les ramène en ville reposés, revigorés. C'est là, dans cette absolue quiétude, qu'a grandi Lucas Tolentino Coelho de Lima.
Lucas Paqueta en bref
23 ans.
Club : Lyon.
Poste : milieu offensif.
2019 : en juillet, il remporte la Copa América avec le Brésil. Il joue 5 minutes lors de cette compétition, en quarts de finale, contre le Paraguay (0-0, 4-3 aux t.a.b.).
Lucas « Paqueta » a pour nom de footballeur celui de l'île de sa vie, il le porte fièrement sur les épaules, floqué au dos de ses maillots, et c'est d'ailleurs comme cela qu'il veut qu'on l'appelle, ainsi qu'il l'a demandé à tout le monde lors de sa signature à l'OL, fin septembre. « L'enfance de Lucas était paisible, résume Cristiane, sa mère. Il allait à l'école et, le reste du temps, il jouait au ballon sur la plage de Moreninha. »
Cette longue étendue de sable fin et de quelques herbes sauvages, à deux pas de la maison familiale, a vu les premières frappes, pieds nus, du petit crack à la patte gauche déjà magique. « C'est là que j'ai peaufiné ma technique, glisse le milieu lyonnais en détournant le regard, d'un sourire timide. C'était le début, c'était seulement du jeu, de la joie, avec mon frère et nos amis. »
Paqueta parle d'un débit lent et d'une voix posée. Les réponses sont courtes, il les ponctue en se tournant vers Isabelle Dias, l'interprète et accompagnatrice historique des Brésiliens à l'OL, comme pour trouver refuge auprès d'une personne de confiance face à un monde qu'il découvre.
Quand on vient d'une île de 3 000 habitants où il est de coutume de se dire bonjour lorsqu'on se croise dans la rue, et où l'on se déplace à pied, en bicyclette ou en charrette, il faut du temps pour s'adapter à la nouveauté, même à 23 ans. Lucas Paqueta a pourtant quitté l'île très jeune, dans sa neuvième année, puisque Flamengo, le plus grand club de Rio, l'avait repéré et parce que son talent balle au pied était déjà trop grand pour se circonscrire à deux kilomètres carrés.
«Je veux retrouver mon bon football. Mon football du Brésil. Mon foot est un foot heureux»
Lucas Paqueta
Avec Matheus, son aîné de deux ans, Lucas formait un imbattable duo, à Moreninha, et les enfants de passage, le soir venu, remontaient sur le bateau le nez dans leurs tongs : ils n'auraient que des défaites à raconter le lendemain à l'école. « Depuis tout petits, nous avons toujours été ensemble, et Lucas s'est toujours démarqué, la preuve est qu'il jouait avec moi alors qu'il n'avait même pas l'âge d'être inscrit au foot », se remémore Matheus, aujourd'hui professionnel à Tombense (D3 au Brésil). « Mon frère a toujours été mon principal compagnon de jeu, et j'ai toujours voulu avoir sa vitesse, son habileté, son talent, souffle Paqueta. On est deux joueurs différents donc on était complémentaires ; moi, je suis plus classique que lui, j'ai un football plus réfléchi. »
11
Lucas Paqueta compte 11 sélections avec le Brésil. Il a inscrit 2 buts avec la Seleçao. Vendredi, il a été appelé en sélection olympique, en compagnie du Lyonnais Bruno Guimaraes.
Réfléchi, mais avec quelques extravagances, aussi : le Lyonnais aime les petits ponts, les sombreros et les lobs. C'est d'ailleurs de cette manière, et de 35 mètres, qu'il a inscrit son premier but avec Flamengo, en février 2017, face à un gardien qui avait eu l'imprudence de trop s'avancer. Il a failli ouvrir son compteur à l'OL comme cela, dimanche dernier à Strasbourg (3-2), d'une louche délicieuse par-dessus Bingourou Kamara, avant que l'arbitre n'annule le but pour hors-jeu.
»
Mais ramener son football à sa seule esthétique serait réducteur. « Il a un sens de la passe et du jeu vers l'avant au-dessus de la moyenne, dit de lui Rudi Garcia, avec qui il échange beaucoup, en italien, depuis trois semaines. Ce qui est plaisant, c'est qu'il ne rechigne pas sur le travail défensif, et c'est très bien pour un entraîneur. » Le coach rhodanien l'a utilisé relayeur droit en Alsace, mais il loue sa polyvalence et compte aussi sur sa recrue au poste de meneur de jeu, ou bien comme faux ailier, par exemple. « Ma meilleure position est d'être sur le terrain, ironise le joueur. Derrière ou devant, ce n'est pas le plus important. Je veux surtout apporter de la joie dans le jeu de l'équipe, comme me l'a demandé Juninho. »
Il a grandi de 27 centimètres en trois ans
Paqueta avait perdu la sienne, à l'AC Milan, tout autant que sa place dans le onze, et c'est pour cela que le directeur sportif brésilien de l'OL a pu l'attirer, cet automne, contre 20 M€. L'ex-icône du stade Gerland était tombée sous le charme de ce meneur élégant, technique et décisif, il y a trois ans au Brésil. Il avait même proposé son nom à Lyon, sans suite à l'époque.
Et un an après, il était trop tard ; au sortir d'une superbe saison 2018 qui le consacra meilleur joueur du pays, Paqueta s'est envolé pour Milan encombré de deux fardeaux : l'étiquette de « nouveau Kaka » et un transfert record à 38,5 M€. Il ne marquera qu'un seul but pour les Rossoneri en 44 matches et environ 2 400 minutes de jeu.
« Il n'y a pas de revanche aujourd'hui, et je remercie même ce passage qui a pu être douloureux, assure le joueur. Ça fait partie de la vie. Maintenant, je veux retrouver mon bon football. Mon football du Brésil. Mon foot est un foot heureux. Et je sens la bonne énergie pour cela ici. »
Pour Paqueta, chaque épreuve est positive, et il en a traversé. Pour s'entraîner à Flamengo, enfant, il a sacrifié sa douce vie sur l'île, et son sommeil. « Il était courageux, résume sa mère. Il quittait la maison à 8 heures le matin et il prenait le dernier ferry, à minuit, pour rentrer. » « Mon grand-père, aujourd'hui décédé, m'accompagnait, et je faisais tous ces trajets avec beaucoup de bonheur, promet le joueur. J'arrivais chez moi à 1 heure du matin, mais c'est ma famille qui m'a donné cette force d'accomplir tout ça. »
Son père, Marcelo, formateur parachutiste, est moins présent à la maison mais il s'implique aussi beaucoup dans la carrière de ses fils et tient un rôle capital lorsque celle du cadet est freinée par un retard osseux : à 15 ans, il ne mesure que 1,53 m et ne fait plus le poids dans sa catégorie. « Nous l'avons emmené chez plusieurs endocrinologues dans l'espoir d'un résultat rapide, explique le paternel. Mais c'est son corps qui était comme cela. Alors nous avons fait confiance à Flamengo. » Le club carioca fait suivre à l'adolescent le Projeto Soma, un programme de renforcement physique et nutritionnel qui a fait ses preuves, par le passé, avec Zico et Bebeto. Paqueta grandit de 27 centimètres en trois ans.
Sa carrière chez les grands pouvait se lancer. En déclin en Italie, Paqueta a vu un signe du destin lorsque Lyon l'a contacté, lui dont l'épaule et le bras gauche sont tatoués d'un lion, d'une lionne et d'un lionceau. « Ce tatouage montre simplement Lucas, moi et notre fils Benicio, détaille Eduarda, son épouse. C'était une bonne coïncidence d'être appelé par un club dont le lion est l'emblème, une identification en plus, et c'est important pour Lucas. J'espère qu'il pourra être très heureux de jouer ici. » Paqueta n'attend que ça : retrouver à l'OL l'insouciance et la joie qui l'habitaient, enfant, sur le sable de Moreninha.
publié le 24 octobre 2020 à 00h00
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